
Gérer son alimentation pendant le confinement
En ces temps extraordinaires, nous sommes tous contraints d’adapter notre mode de vie sociale. Cela peut entrainer des perturbations de notre rythme et par conséquent, un changement de nos habitudes alimentaires. Profitant du confort de notre foyer, l’accès à la nourriture devient plus facile, et sans s’en rendre compte, nous pouvons succomber plus facilement à un déséquilibre alimentaire.
Pour éviter cela, il est nécessaire de respecter les aspects fondamentaux d’une alimentation correcte. Interrogeons l’expert…
Nous vivons une période particulière où nos activités habituelles sont totalement bouleversées et/où notre activité physique est fortement réduite, doit-on de fait adapter notre alimentation pendant cette période ?
Plus que d’adapter notre alimentation pour réduire l’apport calorique, il est important de rester actif. Précisément en raison du risque de sédentarisme pendant le confinement, il est important d’établir des horaires d’exercice, soit à l’extérieur (en respectant la réglementation en vigueur), soit à votre domicile. Il existe actuellement de nombreux outils en ligne qui nous permettent de suivre divers cours pour rester actif. N’oubliez pas que la recommandation actuelle chez les adultes est de faire au moins 30 minutes d’exercice dynamique (1) cinq jours par semaine, ce qui devient particulièrement important maintenant que notre activité physique est mise à rude épreuve. Si vous n’êtes pas une personne “sportive”, vous pouvez profiter de ce moment pour établir vos propres objectifs de manière progressive, avec des exercices qui s’adaptent à vos préférences et à vos capacités, jusqu’à atteindre les 30 minutes par jour recommandées.
Il y a cependant quelques exceptions. Par exemple, les athlètes de haut niveau ont une dépense énergétique très élevée et doivent donc consommer plus de calories que la population moyenne pendant leur saison d’entraînement intense. Si pendant le confinement, ils ne trouvent pas le moyen de faire du sport à la même intensité, il vaut mieux qu’ils réduisent leur apport calorique pour ne pas avoir une prise de poids involontaire.


Il est donc important de respecter les portions de chaque groupe d’aliments recommandées, pour garantir un apport énergétique et nutritionnel suffisant : manger au moins 5 portions de fruits ou de légumes par jour (moins il y a de transformation, mieux c’est !), inclure des féculents dans chaque repas (de préférence complets), consommer de l’eau pour étancher la soif et éviter la consommation de boissons sucrées (y compris les jus de fruits, les thés en bouteille et les sodas), etc. Je vous recommande de visiter le site web du Programme National Nutrition Santé (3), où vous trouverez d’excellentes informations et suggestions sur la manière de suivre un régime alimentaire correct, ainsi que des astuces de recettes faciles et saines pour tous les jours.
En même temps, nous devons être respectueux de l’environnement, et l’alimentation est aussi un domaine où nous pouvons agir. En fait, en plus d’une alimentation correcte, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a établi un autre critère : Un régime alimentaire doit être aussi durable, ce qui comprend « des régimes alimentaires ayant de faibles conséquences sur l’environnement, qui contribuent à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi qu’à une vie saine pour les générations actuelles et futures. Ils contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes, sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains, et permettent d’optimiser les ressources naturelles et humaines » (FAO, Biodiversité et systèmes alimentaires durables, 2010)(4).
Conformément aux orientations proposées par la FAO, les nouvelles recommandations nutritionnelles pour 2017 en France intègrent également le respect de l’environnement, puisqu’elles favorisent la consommation de protéines d’origine végétale par rapport à celles d’origine animale, et encouragent la consommation de produits locaux et de saison. En plus, respecter l’environnement inclut aussi de réduire le gaspillage et d’éviter de consommer des aliments hautement transformés et des boissons sucrées. Une étude scientifique (5) réalisée par un groupe de collaboration entre l’INRAE, l’INSERM, l’Université de la Sorbonne à Paris et SOLAGRO a confirmé que le respect de ces nouvelles recommandations réduirait notre impact environnemental de 50%, alors que ceux qui adhèrent aux anciennes recommandations de 2001 ne réduiraient cet impact que de 25%. Le coût ? Les auteurs ont constaté que préférer des aliments locaux et provenant de l’agriculture certifiée biologique dans les quantités suggérées représente un supplément de 1 € /jour/personne. Cela peut être perçu comme une somme non-négligeable, surtout si l’on pense à des familles entières, mais il faut savoir qu’en agissant ainsi, en plus de prendre soin de votre santé, vous contribuez à réduire votre impact environnemental.


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*Quantité quotidienne, à répartir sur les différents repas.
Manger sain est souvent vue comme quelque chose de fade et sans saveur, c'est justement le genre d'idée reçue que nous combattons à l'Healthy Workshop pour développer ce que nous voyons comme la diététique gourmande et gastronomique, quelles sont vos astuces pour garder du plaisir dans l'assiette ?
Manger de manière saine et équilibrée ne doit pas être vu comme quelque chose de difficile à réaliser. Au contraire, le régime alimentaire de chaque personne et de chaque famille est différent et il doit s’adapter aux goûts, aux préférences, à l’économie et aux traditions de chaque foyer. L’essentiel est d’essayer de respecter les portions de chaque groupe d’aliments (voir la pyramide alimentaire). C’est une excellente occasion de revisiter nos livres de cuisine, d’appeler nos proches pour leur demander leurs recettes et aussi pour découvrir de nouvelles préparations. Chaque individu est différent. Si vous avez des questions ou des besoins particuliers, adressez-vous à votre nutritionniste. Il doit vous guider pour apprendre la meilleure façon d’adapter vos portions et de combiner les aliments que vous mangez habituellement, de façon personnalisée, en fonction de vos goûts et de vos préférences.

Outre, la diminution de notre activité physique, rester chez soi a des conséquences sur notre moral, y-a-t-il des aliments/compléments à privilégier ?

Les suppléments ou compléments multivitaminés sont généralement recommandés aux personnes atteintes de carences nutritionnelles, ou bien, aux groupes de population spécifique (personnes âgées, par exemple).
D’autre part, une façon de garder le moral est de prendre le temps de profiter des plaisirs quotidiens que nous ne prenons pas le temps d’apprécier normalement. En termes de nourriture, cela peut se traduire par le fait de s’asseoir à table avec la famille à chaque repas, en utilisant ce moment de rassemblement pour discuter, partager ou planifier la journée. Des études scientifiques (6) ont montré que le fait d’être autour de la table en famille pour partager un repas apporte de grands avantages en termes de bien-être émotionnel et social, mais aussi en termes d’améliorations nutritionnelles. En effet, il est de la plus haute importance de se donner suffisamment de temps pour manger un repas, en plus de l’aspect “familial”, c’est aussi important au niveau de notre métabolisme. Il est reconnu (7) que lorsque nous mangeons rapidement, nous avons tendance à manger plus (en quantité). Au contraire, prendre le temps de manger permet à notre corps de reconnaître quand nous avons assez mangé, et donc, de réduire le risque de trop manger. Alors, même si vous vivez seul.e, donnez-vous le temps de bien manger.
Quelles recommandations pour éviter de manger par anxiété ?
Le fait de se priver de son mode de vie habituel peut être une source d’anxiété, et l’envie de manger se fait plus pressant. N’oubliez pas que la nourriture ne doit pas être considérée comme un moyen d’éviter l’ennui, ni comme un outil pour résoudre des difficultés émotionnelles. C’est pourquoi il est important d’établir des horaires, non seulement pour les activités professionnelles et l’exercice physique, mais aussi pour prendre les pauses nécessaires pour manger, comme vous le feriez pendant un jour de travail habituel. Une façon d’éviter l’excès est de toujours avoir à disposition des collations saines, comme des fruits ou des légumes crus et prêts à manger dans le frigo, des fruits secs non salés ni sucrés dans le placard (un mélange de noix, cacahuètes, amandes, cranberries, raisins secs, par exemple), produits laitiers sans sucres ajoutés, etc.
Profitez aussi de ce moment pour essayer des recettes pour un goûter sain, comme des gâteaux ou des biscuits dont vous pouvez contrôler la consommation de lipides et de sucres. Si vous n’aimez pas passer du temps en cuisine, renseignez-vous sur NutriScore (8), l’étiquetage alimentaire qui nous guide rapidement sur la teneur en nutriments de chaque produit, afin que nous puissions choisir la meilleure option.
Si vous avez des doutes, vous pouvez toujours comparer le tableau nutritionnel de produits similaires, et bien sûr, consulter votre nutritionniste.
Nous avons la chance d'avoir un peu de soleil, mais nous n'avons pas tous un bout de jardin pour en profiter, avons-nous plus de chance de développer des carences, et quels aliments seraient à privilégier ?
Il est vrai que la principale source de précurseurs de la vitamine D est obtenue par l’exposition au soleil, et que notre corps transformera en forme active. Nous en avons besoin pour une absorption optimale du calcium afin de favoriser une bonne croissance, ainsi que pour le maintien des os. Toutefois, ce point ne doit pas susciter d’inquiétude pour les personnes qui ne peuvent pas profiter d’un jardin ou d’une terrasse. Il existe en effet des aliments qui sont d’excellentes sources naturelles de ces précurseurs, comme les poissons gras frais ou en conserve (saumon, thon, sardines et maquereau), ainsi que certains champignons. En outre, pour éviter le risque de carence en vitamine D, de nombreux pays, dont la France, ont mis en place des stratégies de santé publique visant à assurer l’approvisionnement de la population en ce micronutriment. Par conséquent, de nombreux aliments que nous consommons habituellement sont enrichis en vitamine D : du lait, des yaourts, de la crème fraîche, des huiles végétales, ainsi que des farines, de sorte que beaucoup de produits dérivés de céréales sont également enrichis. Ces informations doivent être indiquées sur l’étiquette du produit, donc vous pouvez le vérifier par vous-même. Alors, ne vous inquiétez pas si vous ne pouvez pas sortir dans le jardin, car probablement, sans vous en rendre compte, vous avez déjà des aliments qui vous permettront de conserver votre stock de vitamine D.
Que doit-on garder dans le placard pendant le confinement ?
Bien que faire nos courses soit l’une des raisons pour lesquelles nous pouvons sortir, il est préférable de le faire le moins possible. Une façon d’y parvenir est d’acheter des produits secs, comme les légumineuses, qui sont d’excellentes sources de protéines. Vous pouvez préparer des plats végétariens sans craindre de manquer de protéines si vous y ajoutez une portion de légumineuses. En plus des conserves et féculents secs, vous pouvez également vous assurer de manger des fruits et des légumes en congelant certaines portions ou en les achetant surgelés (sans sauces ni condiments), que vous pouvez utiliser dans vos recettes habituelles.
Des recommandations finales ?
Le plus important c’est de rester bien informé et de respecter les consignes pour se protéger et protéger les autres. Ne cédons pas à la désinformation ou à la panique en achetant trop de nourriture, car l’approvisionnement des supermarchés est assuré, et surtout, cela n’est ni durable, ni solidaire, ni éthique. Prenons uniquement ce dont nous avons besoin. C’est le moment d’être unis en tant que société : prenons soin de nous et nos proches, restons à la maison !
L'experte
Références
- Recommandations mondiales en matière d’activité physique pour la santé, OMS.
- La pyramide alimentaire, Food in action 2020.
- Mangerbouger.fr, Programme National Nutrition Santé.
- FAO, Biodiversité et systèmes alimentaires durables, 2010.
- Sustainability analysis of French dietary guidelines using multiple criteria, Nature Sustainability 2020.
- Quality matters : A meta-analysis on components of healthy family meals, Pubmed.
- Slow Down: Behavioural and Physiological Effects of Reducing Eating Rate, Pubmed.
- Nutri-score, Santé Public France.